Vincent Cespedes présente son dernier ouvrage, Oser la jeunesse, paru chez Flammarion en 2015 et parle de #MAVOIX à la 36ème minute.
Retranscription : France Inter – Si tu écoutes j’annule tout – 19 avril 2016
Journaliste, Charline Vanhoenacker : Dans le Bas-Rhin, les abstentionnistes et ceux qui votent blanc sont désormais réunis dans un collectif et même représentés par un candidat tiré au sort. C’est à lire dans Libération, aujourd’hui. Ça se passe dans la 1ère circonscription du Bas Rhin où le député PS a rendu son mandat à l’Assemblée Nationale pour des raisons de santé, et le collectif #MaVoix réunit ceux qui votent blanc ou qui ne votent pas du tout. Au terme d’un processus qui est très sérieux, parce qu’il y a eu une formation civique, une visite de l’Assemblée, des cours en ligne, etc., il y a eu un tirage au sort qui a désigné Daniel Gerber, ancien libraire, désormais au RSA, qui est donc candidat à la députation dans le Bas-Rhin. Est-ce que ça, ça donne un autre visage de l’abstention, parce qu’on peut voir parfois l’abstention comme un désintérêt total, moins qu’une contestation, et là il y a un collectif citoyen qui se crée…
– Vincent Cespedes : Ils prennent la chose politique au sérieux. Donc déjà, ça, moi ça me réjouit. Il y du rire parce ça peut faire rire, donc bon, ça c’est pas mal. Il y a de la formation. Il y a de l’éducation populaire. Il y a de l’implication. Bon. Donc effectivement on peut critiquer le processus, mais on a vraiment besoin de ça. On a besoin de réinventer des formes de démocratie directe, des formes de participation à ce qui nous concerne vraiment. Il y a une immense soif – je parlais de la soif dans Nuit Debout – c’est vraiment une immense soif citoyenne à ce niveau là.
-Charline Vanhoenacker : Mais même si ça n’aboutit pas ? Parce que l’article de Libération résume finalement la chose : c’est qu’il n’y a pas de couleur politique. Bon, pas grave. Pas de promesse. Bon. Mais il n’y pas d’attente. Et il n’y a pas de déçus donc. C’est un peu mi-figue, mi-raisin.
– Vincent Cespedes : Il n’y a pas d’attente, mais ça brasse des idées. Les gens peuvent dire : voilà mes idées pour changer le monde. Ça brasse des idées, ça brasse du débat. Ça crée des liens à partir de l’idée de se dire : « on s’implique dans la politique ». En fait il faut qu’on arrête d’être obsédé par le résultat. On est vraiment dans la résultocratie. Le processus, c’est ce qui est important. La démocratie est un processus, ça part de la parole vivante, du dialogue et de l’imagination. Dès qu’on a ça, les résultats seront là. Mais il faut qu’on puisse relancer la fabrique à imaginaire, à utopie, à rêves. On manque de rêves et ça peut être une façon d’agiter les rêves.
-Journaliste 2 : On dirait Jean-Christophe Cambadélis quand vous dites ça : les résultats c’est pas important…
-Journaliste 3 : N’insulte pas notre invité quand même… Rires.
-Vincent Cespedes : Non, non. Les résultats, c’est important. Mais ce qui compte, c’est vraiment – pour nous tous – c’est vraiment qu’on puisse proposer des alternatives. Elles ne vont pas tomber du ciel. Ce ne sont pas les experts qui vont proposer des alternatives : ça fait 20 ans qu’on les écoute, il n’y a pas d’alternatives là. Donc les alternatives vont venir du peuple. Et ce peuple là doit se rencontrer, débattre, imaginer, rêver.
– Charline Vanhoenacker : Et un peuple qui veut rester aussi anonyme. On a vu dans Nuit Debout, ils ne veulent pas avoir de porte parole. Ici, le collectif #MaVoix ne veut pas s’adresser aux media. Ça m’a fait penser à ce collectif de musique qui s’appelle Fauve, où il n’y a pas de photo et on donne juste les prénoms. C’est aussi une nouvelle forme de néo-résistance ou…
– Vincent Cespedes : …De non incarnation. Non. Ce n’est pas nouveau. Encore une fois Mai68 avait inventé ça : pas de micro, pas d’orateur. Daniel Cohn Bendit, qui maintenant a trahi complétement Mai68, en étant devant la scène, à l’époque, il était sérieusement encadré par ses camarades. Alors il portait un peu l’irrévérence de 68. Mais c’est fondamental. On est dans un ras le bol total, nausée extrême, de tout ce qui est peopleisation, peopleisation de la politique, représentants, starification de la politique. Donc je pense que c’est plutôt sain. Il y a des leaders qui vont émerger, mais qui seront dans l’humilité de dire « je ne représente que ma propre voix ».
FIN de l’extrait concernant #MaVoix